“Amour décroissant”, le premier chapitre du roman de Laura Vandewauwer

Le cavalier qui avait tout suivi de la scène, animé par un désir incontrôlable et inexpliqué, s’élança vers les deux guerriers. Il assomma le seigneur Valek, ne voulant pas assassiner un protégé de l’empereur, et emporta le blessé avec lui. Le soldat devenu maintenant traître à son clan, galopa comme un fou jusqu’à la ville voisine d’Horms. Il la savait sure. Horms ne comptait pas de guerriers de l’empereur, ceux-ci étant encore sur le champ de bataille à quelques milles de là. Les habitants d’Horms n’étaient que des chasseurs. Les deux compagnons en fuite n’avaient rien à craindre d’eux. Mentant sur leurs véritables origines, le cavalier obtint de l’aide pour soigner le lieutenant Kellagan. Il avait perdu connaissance une fois que le soldat l’eut arraché à une mort certaine. Il avait déliré sur la route et son sauveur et protecteur s’inquiétait que le seigneur ne puisse voir l’aube. Il avait pu trouver de bonnes âmes pour apporter les premiers soins au lieutenant. Néanmoins, la blessure était profonde, les guérisseurs doutaient de le voir se réveiller un jour. Ils restèrent à Horms quelques jours, le cavalier ne sachant où se diriger. Il ne faisait plus partie de l’armée impériale. En sauvant le lieutenant, il avait abandonné cette vie confortable qu’il avait toujours connue depuis maintes longues années. Qu’allait-il faire à présent ? La réponse lui vint bien vite. Ses hôtes lui apprirent que les rebelles avaient perdu la bataille. Les survivants fuyaient au mont Philéna. Le cavalier connaissait cet endroit. C’était une forteresse très ancienne taillée dans la Grande Montagne du Nord qui jouxtait la Muraille Noire. Les rebelles avaient pris la grande route qui contournait la forêt maudite. Mais, cette possibilité n’était plus envisageable pour les deux fuyards. L’armée impériale avait déjà pris le contrôle de la route. Ils devaient traverser l’épaisse forêt d’Adraste qui entourait les murs de roches noires, puis prendre de chemin de l’ouest vers la Grande Montagne. C’était un chemin risqué. La forêt, la muraille, elles étaient sources d’histoires effrayantes, de contes et légendes qui terrifiaient le plus brave guerrier. Personne ne savait ce que protégeait ou gardait la Muraille Noire. Certains parlaient de puits de vie, l’origine de tous les êtres vivants ; d’autres, de l’antre d’un puissant dragon cracheur de feu. Aucune des théories n’avaient été vérifiée car quiconque s’approchait de la muraille, trouvait la mort assurément. Malheureusement, ils n’avaient pas le choix ni autre endroit où se réfugier. Tôt ou tard, les hommes de Valek les retrouveraient et le cavalier ne voulait pas mettre en danger ses bienfaiteurs à cause de leur généreuse aide. Il emporta des provisions, accepta les montures du paysans et, une fois le lieutenant attaché au deuxième cheval, il prit le chemin de la forêt d’Adraste. Cela mit deux jours pour l’atteindre et le seigneur Kellagan ne s’était toujours pas réveillé. Le cavalier avait été prudent. Il avait évité le plus possible la grande route qu’empruntaient les garnisons royales. Il se savait pourchassé. Mais aucun envoyé n’avait encore été vu. Ils étaient des fugitifs et, bientôt, des rebelles. Quel triste revirement ! La nuit était tombée rapidement, accompagnée de cet épais brouillard. Le cavalier était tendu. Le froid et le voile blanc l’effrayaient. Il supposait que quelques maléfices se cachaient sous tout cela. Les avertissements, les histoires des tavernes à propos de cet endroit lui revenaient en tête. Il observait le voile blanc tisser sa toile autour de lui telle une monstrueuse araignée affamée. Il sursautait à chaque ombre qui apparaissait dans la blancheur mystique du lieu. Ainsi, un buisson devint un loup affamé, et une branche, la main crochue d’un meurtrier. Dans chacun de ces fantômes noirs, il y voyait les visages des hommes envoyés par le seigneur Valek. Un silence de mort régnait dans ce décor uni. Aucun son de la nuit qui le rassurait en d’autres lieux, ne lui parvenait. Le cavalier avait peur. La sueur froide coula dans son dos. Il frissonnait d’effroi contenu. Cette peur lui tenait les entrailles. Il essayait de se concentrer, de trouver un repaire dans ce cauchemar blanc. Et l’ombre blafarde lui donna un son. Celui-ci était précis et fort, comme celui d’un coup de tonnerre. C’était le galop d’un cheval. Il venait de l’arrière, derrière eux. Le cavalier se retourna. Son cœur s’accéléra, son souffle s’arrêta. Il ferma, rouvrit les yeux afin de fixer sa vue sur l’origine du bruit. Ce n’était pas lui, ni son compagnon. Qui était-ce ? Le brouillard restait désespérément neutre. Il n’y avait personne. Le bruit disparut comme s’il n’avait été qu’un rêve. Le cavalier ne se détendit par pour autant. Il patienta encore, attendant que cela revienne. Mais, il n’entendait que sa respiration bruyante, et le sang qui lui battait les tempes. N’était-ce qu’un songe ? La peur grandit dans le cœur du soldat. Était-ce un soldat venu pour les tuer ? Etaient-ils en danger ? Le cavalier sortit son épée. Il se prépara à affronter la menace sans nom qui progressait devant lui. Il n’y arriverait pas. Il allait mourir. (…)

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2 Thoughts to ““Amour décroissant”, le premier chapitre du roman de Laura Vandewauwer”

  1. Beni

    la suite c’est quand?

  2. Jess

    Trop beaux les dessins !!! Au début, je ne comprenais pas le rapport avec l’histoire… mais faut tout lire !

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